Pourquoi faire une seule expérience à la fois quand on peut en faire dix ?
Carburants et produits chimiques issus du CO₂: Expérimenter dix fois plus vite
Des chercheurs de l'Empa ont développé un système qui permet d'étudier jusqu'à dix fois plus vite les catalyseurs, les électrodes et les conditions de réaction pour l'électrolyse du dioxyde de carbone. Le système est complété par un logiciel "open source" pour l'évaluation des données.
Si l'on mélange un combustible fossile avec un peu d'oxygène et que l'on y ajoute une étincelle, il en résulte trois choses : De l'eau, du dioxyde de carbone nuisible au climat et beaucoup d'énergie. Cette réaction chimique fondamentale se produit dans tout moteur à combustion, qu'il fonctionne au gaz, à l'essence ou au kérosène. En théorie, cette réaction peut être inversée : A partir du CO₂ libéré, il serait possible de produire à nouveau des carburants en y ajoutant de l'énergie (renouvelable).
C'est l'idée qui a présidé à la "Joint Initiative" financée par le Conseil des EPF et baptisée "SynFuels". Des chercheurs de l'Empa et de l'Institut Paul Scherrer (PSI) ont cherché pendant trois ans des possibilités de produire de manière économique et efficace des carburants synthétiques – appelés synfuels – à partir du CO₂. Car cette réaction comporte plusieurs défis. D'une part : L'électrolyse du CO₂ ne produit pas seulement le carburant qui a été brûlé auparavant. Au contraire, plus de 20 produits différents peuvent se former simultanément et être difficiles à séparer les uns des autres.
La composition de ces produits peut être contrôlée de diverses manières, par exemple par les conditions de réaction, par le catalyseur utilisé ainsi que par la microstructure des électrodes. Le nombre de combinaisons possibles est énorme. Comment les chercheurs peuvent-ils trouver la meilleure ? Étudier chaque combinaison séparément prendrait trop de temps. Les chercheurs de l'Empa ont désormais accéléré ce processus d'un facteur 10.
Accélérer la recherche
Dans le cadre du projet "SynFuels", des chercheurs autour de Corsin Battaglia et Alessandro Senocrate du laboratoire "Materials for Energy Conversion" de l'Empa ont développé une installation permettant d'étudier simultanément jusqu'à dix conditions de réaction différentes ainsi que des matériaux de catalyseurs et d'électrodes. Les chercheurs ont publié le plan de construction du système et le logiciel correspondant dans la revue "Nature Catalysis".
Le système se compose de dix "réacteurs" : de petites chambres contenant le catalyseur et les électrodes, dans lesquelles se déroule la réaction proprement dite. Chaque réacteur est relié par des centaines de mètres de tuyaux à plusieurs conduites d'alimentation et d'évacuation de gaz et de liquides ainsi qu'à divers instruments de mesure. De nombreux paramètres sont enregistrés de manière entièrement automatique, comme la pression, la température, les flux de gaz ainsi que les produits de réaction liquides et gazeux – et tout cela avec une résolution temporelle élevée.
"Pour autant que nous le sachions, il s'agit du premier système de ce type pour l'électrolyse du CO₂", explique Alessandro Senocrate, post-doctorant à l'Empa. "Il fournit un grand nombre de jeux de données de haute qualité qui nous aideront à faire des découvertes plus rapidement". Lorsque le système a vu le jour, tous les instruments nécessaires n'étaient même pas encore disponibles sur le marché. En collaboration avec l'entreprise Agilent Technologies, les chercheurs de l'Empa ont contribué au développement du premier appareil de chromatographie liquide en ligne au monde. Il identifie et quantifie les produits de réaction liquides en temps réel pendant l'électrolyse.
Partager les données
Réaliser des expériences dix fois plus vite génère aussi dix fois plus de données. Pour analyser ces données, les chercheurs ont développé un logiciel qu'ils mettent à la disposition des scientifiques d'autres institutions en "open source". Et ils souhaitent également partager les données elles-mêmes avec d'autres chercheurs. "Aujourd'hui, les données de recherche disparaissent souvent dans un tiroir dès que les résultats sont publiés", explique Corsin Battaglia, directeur du laboratoire "Materials for Energy Conversion" de l'Empa. Un projet de recherche commun de l'Empa, du PSI et de l'ETH Zurich, baptisé "PREMISE", doit empêcher cela : "Nous voulons créer des méthodes standardisées pour stocker et partager les données", sait Corsin Battaglia. "D'autres chercheurs pourront alors tirer de nouvelles connaissances de nos données – et inversement".
L'accès ouvert aux données de recherche est également une priorité dans d'autres activités de recherche du laboratoire "Materials for Energy Conversion". C'est notamment le cas du Pôle de recherche national "NCCR Catalysis", qui porte sur la production durable de produits chimiques. Le nouveau système parallèle pour l'électrolyse du CO₂ devrait jouer un rôle important dans la deuxième phase de ce grand projet national. Tant les données générées que le savoir-faire seront mis à la disposition d'autres institutions de recherche suisses. Pour ce faire, les chercheurs de l'Empa veulent développer en permanence aussi bien le matériel que le logiciel.